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peint des duchesses ; rien là que de très habituel. Tous les artistes en font autant.

— Vous allez le voir faire ce qu’aucun d’eux n’a fait. »


IV

Le travail lui avait rendu le succès ; le succès lui avait rendu l’argent ; et avec l’argent revint pour lui la vie élégante et confortable. Une petite maison, rue de la Pépinière, transformée en un cottage plein de fleurs, satisfaisait à tous ses besoins de bien-être et répondait à son goût de luxe à la fois artistique et mondain. Sa société avait changé avec son talent ; le monde des duchesses n’était plus le sien, et avait fait place à un certain nombre de relations plus sérieuses. Chaque mois il réunissait à dîner Schœlcher, Goubaux, Camille Pleyel et moi… Ce qu’il appelait le quatuor d’amis. Quatuor était bien le mot, car chacun y représentait pour ainsi dire un instrument différent. Schœlcher y apportait ses inflexibles principes d’honneur et de liberté, qui, mêlés à son goût passionné pour les arts et à sa courtoisie chevaleresque, donnaient à ce défenseur de la race noire je ne sais quel air de sang-mêlé de Spartiate et d’Athénien. Goubaux arrivait avec cette universalité d’intelligence qui a fait de lui le fondateur de l’enseignement professionnel en France, en même temps