Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/453

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reçu sa pièce, mais froidement, et parce qu’elle était de lui. « Le comité est absurde me dit-il, la pièce est très amusante, et il y a un rôle superbe pour Provost. Je vous la donnerai à lire. » Il me la donne, je la lis, et deux jours après : « Mon cher ami, lui dis-je en riant, je vote avec le comité. Le premier tiers est charmant, mais le reste est à refaire. Il vous manque un rôle de jeune fille ; il vous manque un rôle de jeune homme. En face des fourmis économes, il vous faut un artiste en dépense, une cigale. ― Votre idée me semble excellente. Voulez-vous reprendre la pièce en sous-œuvre ? ― Je veux bien essayer du moins. Je pars demain pour Cannes. J’emporte votre manuscrit, et dans quinze jours, je vous rapporterai ce que j’aurai fait. » Au bout de quinze jours, je reviens, je lui montre la pièce, elle lui plait ; nous la lisons au comité, on la reçoit, on la joue : nous avons un réel succès, à l’occasion de quoi, je fis ce petit distique :

 
Entre Labiche et moi la partie est égale :
Il a fait les Fourmis et j’ai fait la Cigale.


Nous fîmes tout le contraire avec Goubaux, mais notre collaboration ne fut pas moins singulière. Les vacances du jour de l’an étant arrivées, Goubaux annonça tout haut dans sa pension qu’il partait pour un petit voyage. Or, ce voyage consista à transporter de la rue Blanche où était sa pension, à la rue Saint-Marc où je demeurais, son nécessaire, son bagage de toilette, et à s’installer chez moi, dans une petite chambre contiguë à mon