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Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/14

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communication de differentes nations. Son véritable usage seroit de peindre non pas la parole, comme dit Monsieur de Brebeuf, mais les pensées, et de parler à l’entendement plutost qu’aux yeux. Car si nous l’avions telle que je la conçus, nous pourrions raisonner en métaphysique et en morale à peu près comme en Geometrie et en Analyse ; par ce que les Caractères fixeroient nos pensées trop vagues et trop volatiles en ces matières, ou l’imagination ne nous aide point, si ce ne seroit par le moyen de caractères. Ceux qui nous ont donné des méthodes, donnent sans doute des beaux préceptes, mais non pas le moyen de les observer. Il faut, disent-il, comprendre toute chose clairement et distinctement, il faut procéder des choses simples aux composées ; il faut diviser nos pensées etc. Mais cela ne sert pas beaucoup, si on ne nous dit rien davantage. Car lorsque la division de nos pensées n’est pas bien faite, elle brouille plus quelle n’éclaire. Il faut qu’un écuier tranchant sçache les jointures, sans cela il déchirera les viandes au lieu de les couper. Mons. des Cartes a esté grand homme sans doute, mais je croy que ce qu’il nous a donné de cela(?) est plutost un effect de son genie que de sa methode, pareeque je ne voy pas que ses sectateurs fassent des decouvertes. La véritable methode nous doit fournir un filum Ariadnes, c’est à dire un certain moyen sensible et grossier, qui conduise l’esprit, comme sont les lignes tracées en geometrie et les formes des operations qu’on prescrit aux apprentits en Arithmétique. Sans cela nostre esprit ne sçauroit faire un long chemin sans s’égarer. Nous le voyons clairement dans l’Analyse, et si nous avions des caractères tels que je les conçois en métaphysique et en morale, et ce qui en dépend, nous pourrions faire en ces matières des propositions très asseurées et très importantes ; nous pourrions mettre les avantages et desavantages en ligne de conte, lorsqu’il s’agit d’une deliberation ; et nous pourrions estimer les degrez de probabilité, à peu près comme les angles d’un triangle. Mais il est presque impossible d’en venir à bout sans cette characleristique. Je vous ; en parle parceque je sçay que vous avez songé autres fois à des choses de cette nature, et que vous en avez une parfaite intelligence. J’ay parlé au long dans la lettre que j’ay pris la liberté d’écrire à Mons. le Duc de Chevreuse d’une matière qu’on a trouvée en Allemagne, et qui semble donner quelque chose d’approchant de la lumière per-