Page:Leibniz - La Monadologie, éd. Nolen, 1881.djvu/14

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sité métaphysique a ses droits imprescriptibles, contre lesquels la science mieux informée d’aujourd’hui ne prévaut pas plus que la science incertaine d’autrefois. Le succès du monisme contemporain, sous ses formes multiples et contradictoires, en Allemagne comme en Angleterre et même parmi nous, montre assez qu’il est plus aisé de décrier l’ancienne métaphysique que de rompre avec toute métaphysique. Et la difficulté qu’éprouvent les plus fervents adeptes du positivisme à ne pas s’écarter des pures données et des strictes méthodes de la science et à ne pas s’égarer de temps en temps dans les hypothèses du matérialisme, prouve que la métaphysique a des tentations auxquelles les plus prévenus ne savent pas se soustraire.

Un besoin aussi vivace, aussi général, en dépit de déceptions sans nombre, peut bien être considéré comme une disposition naturelle et indestructible de notre nature. L’éducation ne saurait la laisser sans règle et sans culture, livrée aux suggestions du caprice individuel ; elle doit s’imposer la tâche d’éveiller et de discipliner tout à la fois le sens métaphysique. Nulle étude n’y convient mieux que celle de la Monadologie.

D’autres modèles auraient pu, sans doute, être proposés aux jeunes intelligences : Bossuet et Fénelon auraient continué de leur offrir d’utiles enseignements. Mais on voit aisément les raisons qui leur ont fait préférer Leibniz. En ce dernier revivent, comme en eux, mais transformés, mais agrandis par une libre et originale interprétation, les principes essentiels de la philosophie de Descartes. Les préoccupations théologiques embarrassent et restreignent le libre essor de leur pensée ; et leur cosmologie est trop asservie aux hypothèses de la physique cartésienne. L’esprit de Leibniz est plus indépendant de l’autorité de la foi et de