Page:Leibniz - Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1921.djvu/224

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trouver dans son jardin, comme on le raconte d’Albert le Grand ou de quelque autre magicien prétendu.


§ 1. Philalèthe. Les idées réelles sont complètes lorsqu’elles représentent parfaitement les originaux d’où l’esprit suppose qu’elles sont tirées, qu’elles représentent et auxquelles il les rapporte. Les idées incomplètes n’en représente qu’une partie. § 2. Toutes nos idées simples sont complètes. L’idée de la blancheur ou de la douceur, qu’on remarque dans le sucre, est complète, parce qu’il suffit pour cela qu’elle réponde entièrement aux puissances que Dieu a mises dans ce corps pour produire ces sensations.

Théophile. Je vois, Monsieur que vous appelez idées complètes ou incomplètes celles que votre auteur favori appelle ideas adaequatas aut inadaequatas ; on pourrait les appeler accomplies ou inaccomplies. J’ai défini autrefois ideam adaequatam (une idée accomplie) celle qui est si distincte que tous les ingrédients sont distincts, et telle est à peu près l’idée d’un nombre. Mais lorsqu’une idée est distincte et contient la définition ou les marques réciproques de l’objet, elle pourra être inadaequata ou inaccomplie, savoir lorsque ces marques ou ces ingrédients ne sont pas aussi tous distinctement connus ; par exemple l’or est un métal qui résiste à la coupelle et à l’eau-forte, c’est une idée distincte, car elle donne des marques ou la définition de l’or ; mais elle n’est pas accomplie, car la nature de la coupellation et de l’opération de l’eau-forte ne nous est pas assez connue. D’où vient que, lorsqu’il n’y a qu’une idée inaccomplie, le même sujet est susceptible de plusieurs définitions, indépendantes les unes des autres, en sorte qu’on ne saurait toujours tirer l’une de l’autre, ni prévoir qu’elles doivent appartenir à un même sujet, et alors la seule expérience nous enseigne qu’elles lui appartiennent toutes à la fois. Ainsi l’or pourra être encore défini le plus pesant de nos corps ou le plus malléable, sans parler d’autres définitions, qu’on