Page:Leibniz - Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1921.djvu/266

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des comparaisons, distinctions et observations utiles. Mais plus on approfondira la génération des espèces, et plus on suivra dans les arrangements les conditions qui y sont requises, plus on approchera de l’ordre naturel. C’est pourquoi, si la conjecture de quelques personnes entendues se trouvait véritable, qu’il y a dans la plante, outre la graine ou la semence connue qui répond à l’œuf de l’animal, une autre semence qui mériterait le nom de masculine, c’est-à-dire une poudre (pollen, visible bien souvent, quoique peut-être invisible quelquefois, comme la graine même l’est en certaines plantes) que le vent ou d’autres accidents ordinaires répandent pour la joindre à la graine qui vient quelquefois d’une même plante et quelquefois encore (comme dans le chanvre) d’une autre voisine de la même espèce, laquelle plante par conséquent aura de l’analogie avec le mâle, quoique peut-être la femelle ne soit jamais dépourvue entièrement de ce même pollen ; si cela (dis-je) se trouvait vrai, et si la manière de la génération des plantes devenait plus connue, je ne doute point que les variétés qu’on y remarquerait ne fournissent un fondement à des divisions fort naturelles. Et si nous avions la pénétration de quelques génies supérieurs et connaissions assez les choses, peut-être y trouverions-nous des attributs fixes pour chaque espèce, communs à tous ses individus et toujours subsistant dans le même vivant organique, quelques altérations ou transformations lui puissent arriver, comme dans la plus connue des espèces physiques, qui est l’humaine, la raison est un tel attribut fixe qui convient à chacun des individus et toujours inadmissiblement, quoiqu’on ne s’en puisse pas toujours apercevoir. Mais au défaut de ces connaissances nous nous servons des attributs qui nous paraissent les plus commodes à distinguer et à comparer les choses, et en un mot à en reconnaître les espèces ou sortes : et ces attributs ont toujours leurs fondements réels.

§ 14. Philalèthe. Pour distinguer les êtres substantiels selon la supposition ordinaire, qui veut qu’il y a certaines essences ou formes précises des choses, par où tous les individus existants sont distingués naturellement en espèces, il faudrait être assuré premièrement, § 15, que la nature se propose toujours dans la production des choses de les faire participer à certaines essences réglées et établies, comme à des modèles ; et secondement, § 16, que la nature arrive toujours à ce but. Mais les monstres nous donnent sujet de douter de l’un et de l’autre. § 17. Il faudrait déterminer, en troisième lieu, si ces monstres ne sont