Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/157

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œuvre ? Il le parut et il devait le paraître. Il avait des parties à la fois attendues et neuves. — Était-il une œuvre de foi ? C’est ce que je voudrais examiner d’abord.

Je me suis dit pour commencer :

—Chateaubriand a été certainement incrédule entre vingt et trente ans. En 1798, il l’était parfois jusqu’au nihilisme. Là-dessus, il écrit le Génie du christianisme. Que s’était-il donc passé ? Il n’avait pas eu de « nuit » à la Pascal ; autrement il nous l’aurait raconté. Il avait été fortement ému en apprenant la mort de sa mère et ce que sa mère avait souffert par lui. Sa conversion avait été encore déterminée, ou hâtée, par le désir d’écrire le livre réparateur que tout le monde attendait. Que valait sa conversion ? De quelle espèce était sa foi ?

Il y a une vingtaine d’années, au temps des mystères de Maurice Bouchor et des cigognes de M. de Vogüé, on rencontrait fréquemment dans les livres, et même au théâtre, un sentiment que j’avais appelé « la piété sans la foi ». — La piété sans la foi, disais-je, consiste à bien comprendre, à respecter et à goûter, pour la bienfaisance de leurs effets, pour la beauté de leur signification et aussi pour la grâce de leurs représentations plastiques, des dogmes auxquels on ne croit pas… Cette piété n’est pourtant ni un mensonge, ni une hypocrisie… On aime les vertus et les rêves qu’a suscités la foi dans des millions et des millions de têtes et de cœurs ; on aime les innombrables inconnus