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Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/176

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de Chateaubriand ? Mais il contribua fort à rendre la religion littérairement sympathique. C’est beaucoup… Il donna la formule d’une sorte de foi sentimentale, esthétique et sociale, oh ! mon Dieu, qui est la foi tout de même, nous l’avons vu, et qui, répandue, peut faire durer indéfiniment la religion chrétienne et ses bienfaits. Combien de chrétiens croient « explicitement » et avec une exactitude théologique ? Bien peu, et cela ne fait rien du tout, puisqu’au surplus eux-mêmes n’en savent rien. Chateaubriand a écrit un livre imposé par les circonstances, un livre nécessaire, inévitable, et que Jean-Jacques Rousseau, dégoûté du protestantisme dans la dernière partie de sa vie, repris par le catholicisme vague et tendre de madame de Warens, épouvanté et dégoûté par la Terreur, eût pu — qui sait ? — écrire à sa façon. (Il n’y faudrait que reculer un peu sa naissance et sa mort, ce qui n’est pas une affaire.) Mais enfin, ce livre, c’est Chateaubriand qui a eu la chance de l’écrire. Il a à peu près inventé le langage religieux laïque. Et son livre a commencé, sinon engendré une série.

On peut dire qu’il n’y avait pas eu de littérature catholique au dix-huitième siècle ; du moins elle avait eu si peu d’éclat ! Mais la littérature catholique du dix-neuvième fut féconde et brillante ; et Lamennais lui-même, mais surtout Lacordaire, Montalembert, Gerbet, Perreyve procèdent, en grande partie, du Génie du christianisme. Je sais bien que le catholicisme de salon, qui est une si odieuse