Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/241

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et pour le rythme, la fameuse phrase : « Lorsque dans le silence de l’abjection… » Quelques années après, l’empereur dit une fois : « Pourquoi Chateaubriand n’est-il pas de l’Académie ? »

Marie-Joseph Chénier mourut le 10 janvier 1811. Avertis du propos de l’empereur, les amis de Chateaubriand le pressèrent de poser sa candidature. Il pouvait s’abstenir : il ne risquait point d’être fusillé pour cela. Ou bien, il pouvait attendre la mort d’un académicien dont l’éloge fût moins gênant pour lui que celui de Marie-Joseph Chénier, régicide et (crime égal) critique acerbe d’Atala et du Génie, dans la satire des Nouveaux saints (1802) :

 (J’irai, je reverrai tes paisibles rivages,
 Riant Meschacébé, Permesse des sauvages ;
 J’entendrai les Sermons prolixement diserts
 Du bon monsieur Aubry, Massillon des déserts.
 Ô sensible Atala ! tous deux avec ivresse
 Courons goûter encor les plaisirs de la messe !
 Chantons de Pompignan les cantiques sacrés !
 Les poètes chrétiens sont les seuls inspirés.
 Ô fille de l’exil, Atala, fille honnête,
 Après messe entendue, en nos saints tête-à-tête,
 Je prétends chaque jour relire auprès de toi
 Trois modèles divins : la Bible, Homère et moi !)

Mais il céda, et fit ses visites. Il fut nommé au second tour et par treize voix. Dès lors il n’avait, semble-t-il, qu’à accepter les conditions ordinaires du jeu académique : courtoisie envers son prédécesseur et hommage au souverain. Mais il était tenu