Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/335

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Infirmerie Marie-Thérèse qu’elle avait fondée pour y retirer de vieux prêtres et de pauvres vieilles femmes. Et elle supporta avec résignation madame Récamier et les stations quotidiennes à l’Abbaye-au-Bois. Mais j’imagine qu’elle devait le lui faire payer doucement dans le détail ; car elle avait plus d’esprit que son mari. Même, si j’en crois sa façon d’écrire, à elle, je pense qu’elle avait plus d’admiration que de goût pour sa façon d’écrire, à lui. Les dernières années, elle eut sa revanche. Sainte-Beuve écrit en 1847 : « Chateaubriand ne peut plus sortir de sa chambre. Madame Récamier l’y va voir tous les jours, mais elle ne le voit que sous le feu des regards de madame de Chateaubriand, qui se venge enfin de cinquante années de délaissement. Elle a le dernier mot sur le sublime volage, et sur tant de beautés qui l’ont tour à tour ravi. Cette femme est spirituelle, dévote et ironique ; moyennant toutes ses vertus, elle se passe tous ses défauts. »

Madame de Chateaubriand mourut le 9 février 1847. Il restait seul avec sa vieille amie, infirmes tous deux. À la fin, il ne pouvait plus parler ni entendre, et elle ne pouvait plus voir. Et ils étaient là, l’un en face de l’autre, elle qui avait été la plus grande beauté, lui qui avait été le plus beau génie, tous deux se souvenant, tous deux se sentant déjà à demi morts. Cela faisait certes un émouvant tableau ; et lui, le savait, et que la postérité le verrait s’éteignant ainsi, dans des conditions sublimes de tristesse.

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