d’émigrés purent goûter l’Essai pour ses hardiesses mêmes et ses négations.
Puis, des revues anglaises en parlèrent avec éloge. Chateaubriand devint presque un personnage ; « la haute émigration le rechercha ». Pauvre et inconnu, il avait été d’une fierté ombrageuse, et cramponné à sa solitude. Recherché, il se laissa faire. Il fit un chemin, comme il dit, « de rue en rue », et, s’éloignant du canton de l’émigration pauvre de l’est, « il arriva, de logement en logement, jusqu’au quartier de la riche émigration de l’ouest, parmi les évêques, les familles de cour et les colons de la Martinique. » Il fait des connaissances : Christian de Lamoignon, Malouet, le chevalier Panat, homme de goût par profession et qui avait « une réputation méritée d’esprit, de malpropreté et de gourmandise » ; Montlosier, « féodalement libéral, aristocrate et démocrate, esprit bizarre » dont il fait un portrait vraiment prodigieux ; l’abbé Delille, à la tête de singe, qui lisait ses vers comme un ange, mais que madame Delille souffletait quand il n’était pas sage ; l’abbé Caron, mesdames de Caumont et de Gontaut ; madame de Boignes, alors très jeune et extrêmement jolie ; enfin Fontanes, qu’il avait déjà rencontré.
Tout de même, son Essai n’a aucun succès à Paris. Qu’à cela ne tienne ! Ce sera donc un autre livre qui lui donnera la gloire. Il renonce à écrire les trois derniers volumes annoncés de l’Essai. Mais il