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Page:Lemaître - Corneille et la Poétique d’Aristote, 1888.djvu/24

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règles ». J’en conclus qu’une pièce peut plaire contre les règles. Or qu’est-ce que des règles en dehors desquelles « le seul but » de l’art peut, à la rigueur, être atteint ?

Corneille poursuit : « Il est constant qu’il y a des préceptes, puisqu’il y a un art : mais il n’est pas constant quels ils sont. On convient du nom sans convenir de la chose, et on s’accorde sur les paroles pour contester sur leur signification… Il faut donc savoir quelles sont ces règles : mais notre malheur est qu’Aristote, et Horace après lui, en ont écrit assez obscurément pour avoir besoin d’interprètes. » Voilà qui est bien dit ; voici qui est mieux dit encore : « Les siècles suivants nous en ont assez fourni (de choses dignes de la tragédie) pour ne marcher plus sur les pas des Grecs. » Mais admirez la conclusion : « Je ne pense pas cependant qu’ils (les siècles) nous aient donné la liberté de nous écarter de leurs règles. Il faut, s’il se peut, nous accommoder avec elles et les amener jusqu’à nous. »

Tout cela revient à dire : « Il y a des règles, mais elles sont pour la plupart inintelligibles. Il faut néanmoins les observer, mais en les tournant. » Vous retrouverez continuellement chez Corneille cette façon de raisonner : tant le malheureux est partagé entre son sens propre et sa foi en Aristote !

Il fait remarquer que les interprètes d’Aristote et d’Horace « ne les ont souvent expliqués qu’en grammairiens ou en philosophes », et il ajoute avec