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Page:Lemaître - Corneille et la Poétique d’Aristote, 1888.djvu/29

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soit brutale, soit tragique, a envahi toute la littérature.

Mais ce goût, comme vous pensez bien, n’est guère celui de Corneille. S’il a pu admettre un instant les dénouements fâcheux pour la vertu, ce n’est qu’avec répugnance ; et il nous avoue tout de suite qu’il préfère les autres : « L’intérêt qu’on aime à prendre pour les vertueux a obligé d’en venir à cette autre manière de finir le poème dramatique par la punition des mauvaises actions et la récompense des bonnes… En effet, il est certain que nous ne saurions voir un honnête homme sur notre théâtre, sans lui souhaiter de la prospérité et nous fâcher de ses infortunes. »

Ici donc Corneille redevient « peuple ». Ces héros si beaux, si grands par la volonté, si supérieurs aux passions, il n’a pas le courage de les voir malheureux jusqu’au bout. Ou bien, si quelques-uns succombent, ils nous inspirent beaucoup plus d’admiration que de pitié, tant ils se sont donnés pour invulnérables, tant ils sont cuirassés d’un triple airain, tant ils semblent jouir de leur propre force jusque dans la mort, et tant les vaincus, dans ce théâtre héroïque, gardent des attitudes de vainqueurs !

Cet optimisme irréductible et superbe de Corneille est un des traits les plus caractéristiques de son génie.

Et voici précisément, « la troisième utilité » du poème dramatique. Dans cette sorte de dénouements, « le succès heureux de la vertu, en dépit des traverses