Page:Lemaître - Impressions de théâtre, 7e série, 1896.djvu/350

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savons très bien qu’elle n’aurait jamais épousé le petit cousin, attendu qu’il n’a pas le sou. Nous savons aussi, il est vrai, qu’elle n’aimait pas Jean Darlot, mais on ne nous a point dit qu’elle eût d’aversion pour sa personne. Après ce qu’il vient de faire, il semble qu’elle ne dût avoir aucune peine à concevoir pour lui une sincère affection ; et c’est un sentiment qui suffit pour que le mariage ne soit nullement un martyre... Mais non ! Mlle Louise a décidé une fois pour toutes qu’en consentant à devenir la femme de Darlot elle accomplirait un sublime sacrifice, et elle n’en démordra pas.

Et c’est pourquoi, un an après, dans l’appartement modeste, mais clair et proprement meublé, où son mari l’a installée et d’où l’on a une si belle vue sur la campagne, c’est une victime obstinée que nous retrouvons. Une victime bien déplaisante ! Elle n’a même pas le cœur de faire son petit ménage ni de soigner le pot-au-feu. Elle passe ses journées à rêvasser orgueilleusement. Elle est malheureuse, parce qu’elle a résolu de l’être.

Je vous avoue que je n’entre pas dans ses raisons. Et je n’alléguerai point que, tirée de la misère par son mari, le devoir de la reconnaissance doit lui rendre presque légers ses autres devoirs. J’admettrais fort bien qu’elle ne pût aimer Darlot, pas même d’une affection paisiblement conjugale, si ce qui l’empêche de l’aimer nous eût été rendu sensible. J’aurais compris que l’auteur nous montrât la jeune