Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/100

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républicaine qui caractériseront si fâcheusement, quarante ans plus tard, l’éloquence des jacobins et des sans-culottes. C’est Jean-Jacques qui a fourni à la Révolution son vocabulaire.

Comment, dans la tête du fade versificateur de l’Engagement téméraire, s’était secrètement formée cette prose-là, si pleine, si suivie, si robuste, si grave ?

Repassons, si vous le voulez, l’histoire des lectures de l’autodidacte Rousseau (je ne parle que de ses lectures françaises).

A six ans, il lisait avec son père l’Astrée et les romans de La Calprenède. — A sept ans, Ovide et Fontenelle, mais aussi Plutarque, La Bruyère, Molière et le Discours sur l’Histoire universelle. — De douze à seize ans, tout un cabinet de lecture, au hasard. — Plus tard, et surtout aux Charmettes, en même temps qu’il apprend le latin, il lit Le Sage, l’abbé Prévost, les Lettres philosophiques de Voltaire, mais aussi (avec Locke et Leibnitz) les ouvrages de Messieurs de Port-Royal, Descartes Malebranche, etc…

En somme, peu de livres contemporains, mais à peu près tout le XVIIe siècle dévoré dans la solitude, loin de Paris. C’est bien à ce siècle que Rousseau doit sa formation littéraire. Et c’est pour cela, — et aussi parce qu’il avait un don, — que, lorsqu’il se met à écrire en prose, il retrouve la phrase et le ton des écrivains du XVIIe siècle. J’ai dit que son style avait un air de