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Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/99

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l’accent d’un homme qui prend au sérieux le lieu-commun auparavant inoffensif. — Au reste on peut dire que presque toute son œuvre, — et c’est par là qu’elle a séduit la bêtise humaine, — est d’un homme de génie qui a pris, pour la première fois, d’antiques plaisanteries ou fantaisies au sérieux.

D’autre part, le morceau assez banal où vibrait cet accent-là devait être lu, d’abord, justement par cette petite minorité de privilégiés pour laquelle la thèse de Rousseau se trouvait être partiellement vraie. Et, en outre, il s’élevait du premier coup contre quelques-unes des idoles les plus chères à cette élite : la « philosophie », la science, que l’on commençait à « adorer », et la foi au progrès. Cette gravité et cette véhémence de sermonnaire devaient à la fois secouer et séduire des gens qui n’allaient plus guère au sermon… De là le scandale et l’espèce de terreur dont parle Garat. (Tel, un peu, le succès des premiers écrits évangéliques de Tolstoï dans les salons parisiens.)

Et puis il y avait le style. Il n’a pas encore toutes les qualités que possédera plus tard le style de Jean-Jacques. Mais il est beau dans sa tension, il a le mouvement oratoire, la phrase fortement rythmée. Il s’opposait, avec un air de nouveauté, au style court et fin qui était alors le plus à la mode. — J’ajoute qu’on y trouve déjà les apostrophes, l’abus de certains mots comme « vertu » et « nature », l’emphase et la fausse rudesse