Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/56

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toute une vie de timidité douloureuse dans les choses de l’amour, et de sauvagerie, et de sensibilité et d’imagination d’autant plus excitées ; il a fallu un demi-siècle de maladie, et de désir non contenté — et du génie par là-dessus.

Rousseau continue :

Qui pourrait deviner la cause de mes larmes et ce qui me passait dans la tête en ce moment ? Je me disais : Cet objet dont je dispose est le chef-d’œuvre de la nature et de l’amour ; l’esprit, le corps, tout est parfait ; elle est aussi bonne et généreuse qu’elle est aimable et belle ; les grands, les princes devraient être ses esclaves ; les sceptres devraient être à ses pieds. Cependant la voilà, misérable coureuse, livrée au public ; un capitaine de vaisseau marchand dispose d’elle, etc.

Sentez-vous que c’est là la première rédaction parfaite d’un des thèmes sur lesquels les romantiques ont vécu : l’attendrissement, volontiers solennel et mystique, sur la courtisane ; le respect de la femme déchue, plus touchante et même plus vénérable d’être déchue ; — oh ! mon Dieu, très bon sentiment, si l’on n’avait tout de même un peu trop abusé de cette substitution du sentiment à la raison. Thème romantique, ai-je dit : cela est si vrai, et la page de Jean-Jacques sur Zulietta était si nouvelle et parut si insensée quand les Confessions furent connues, que La Harpe y vit un des signes les plus probants de la folie de Rousseau. — Thème romantique, — qui dévie dans le récit de, Jean-