Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/158

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faiblesse secrète qu’il ait peut-être pour lui, ne le considère que comme un malade et ne nous le donne en effet que pour un malheureux voué à la folie et qu’on emporte sur une civière après son accès :

Sauvons-le : nos efforts deviendraient impuissants S’il reprenait ici sa rage avec ses sens.

Bref, le romantisme intégral est quelquefois chez Racine : mais il y est donné pour ce qu’il est : pour un cas morbide. Reste Pyrrhus. Il est formé de contrastes. C’est un sauvage, un brûleur de villes, un tueur de jeunes filles et d’enfants. Hermione, au quatrième acte, lui jette ses exploits à la face. Le fond de ses discours à Andromaque, c’est : « Je vous aime, épousez-moi, ou je livre votre fils pour être égorgé. » C’est un jeune chef de clan dans un temps de légende. D’autre part (et pourquoi pas ? tel courtisan de Versailles n’avait-il pas été, à la guerre, un rude tueur ? ) Pyrrhus est poli, d’élégance raffinée dans ses propos, et parle quelquefois la langue de la galanterie au XVIIe siècle :

Brûlé de plus de feux que je n’en allumai.

Dans la scène charmante qui termine le deuxième acte, c’est un bon jeune homme, naïvement amoureux, qui trahit presque comiquement son inquiétude, son espoir, son dépit. Parmi les contemporains, les uns le trouvaient trop violent et trop sauvage, et les autres trop doucereux. Mais