Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/55

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D’autres sonnets expriment le doute non plus philosophant mais souffrant. Jusque-là les « angoisses du doute », même sincère, avaient eu chez les poètes quelque chose d’un peu théâtral : ainsi les Novissima Verba de Lamartine ; ainsi dans Hugo, les stances intitulées : Que nous avons le doute en nous. Ajoutez que presque toujours, chez les deux grands lyriques, le doute s’éteint dans la fanfare d’un acte de foi. Musset est évidemment plus malade dans l’Espoir en Dieu ; mais son mal vient du coeur plutôt que du cerveau. Ce qu’il en dit de plus précis est que « malgré lui, l’infini le tourmente ». Sa plainte est plutôt d’un viveur fourbu qui craint la mort que d’un homme en quête du vrai. Il ne paraît guère avoir lu les philosophes qu’il énumère dédaigneusement et caractérise au petit bonheur. Pour sûr, ce n’est point la Grande Ourse qui lui a fait examiner, à lui, ses prières du soir ; et la ronflante apostrophe à Voltaire, volontiers citée par les ecclésiastiques, ne part pas d’un grand logicien. M. Sully-Prudhomme peut se rencontrer une fois avec Musset et, devant un Christ en ivoire et une Vénus de Milo (Chez l’antiquaire), regretter « la volupté sereine et l’immense tendresse » dans un sonnet qui contient en substance les deux premières pages de Rolla. Mais son doute est autre chose qu’un obscur et emphatique malaise : il a des origines scientifiques, s’exprime avec netteté et, pour être clair, n’en est pas moins émouvant. Et comme il est négation autant que doute, le vide qu’il laisse, mieux