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I

M. Deschanel comprend Racine de la bonne façon : en l’aimant. Mais, puisqu’il l’aime tant au fond, pourquoi, parlant du poète, prend-il si souvent un air d’apologie ? et pourquoi, parlant de l’homme, se permet-il sur son caractère plus que des insinuations, et si malveillantes ?

« Racine semble aujourd’hui un peu dédaigné[1]. » Encore faudrait-il savoir par qui. « Quelques-uns même l’injurient[2]. » Si cela est vrai, est-ce que cela compte ? Je ne sache pas, d’ailleurs, que Racine ait été injurié par quelqu’un d’un peu intelligent depuis au moins quarante années. Les romantiques, qui, pour s’amuser, le traitaient de perruque et de polisson, lui ont tous fait amende honorable. Ce qui est vrai, c’est que le XVIIIe siècle a préféré Racine à Corneille ; et ce qui semble vrai, c’est que notre siècle préfère Corneille à Racine. Mais c’est un compte difficile à établir, et peut-être quelques personnes se délectent à la lecture de Racine, qui ne le disent pas, n’en ayant point l’occasion. Seulement, il faut reconnaître que la prédilection pour Corneille est plus fréquemment avouée. Faut-il croire que les esprits de trempe héroïque sont plus nombreux que les autres ? ou cette préférence est-elle un legs de l’école romantique, qui

  1. I, p. 5.
  2. Ibid.