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Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/174

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dieu personnel qui saurait tout et pour qui l’univers serait parfaitement clair n’en jouirait que comme d’une machine bien agencée ; il savourerait des rapports de nombre ; il n’aurait qu’un plaisir de mathématicien : il ne rêverait jamais. Un dieu omniscient ignorerait par là même la poésie. Vraiment il est fort heureux pour nous que le monde soit inintelligible : nous en faisons ce que nous voulons.

Ce mystère répandu dans tout le livre enveloppe un drame simple et violent, un drame de rapacité villageoise ; et ainsi M. de Glouvet a su donner pour ressorts à son âpre poème le sentiment le plus profond et la passion la plus forte des hommes qui vivent de la terre : la superstition et l’avarice ; l’une effarée jusqu’à l’hallucination ; l’autre exaspérée jusqu’au meurtre.

Le fermier Buré a chassé le vieux Robine, son beau-père, à qui il doit le gîte et la nourriture pendant quatre mois. Robine vient trouver Fleuse ; il est conduit par sa petite fille, Louise de la Ronce-Fleurie, une enfant sage, naïve et droite, et qui vénère son grand-oncle le berger. Fleuse, silencieux, ramène le vieux Robine chez Buré : « Vous devez quatre mois ; faites-le souper. » Buré et sa femme geignent et réclament. Fleuse ajoute : « T’as son bien ; soigne-le. » — Mais quelques jours après le vieux Robine est trouvé pendu chez son gendre. Fleuse vient et devine que c’est Buré qui a étranglé le bonhomme, puis l’a pendu à l’une des solives du plafond (car sous un des ongles du vieux il découvre un cheveu rouge, rouge comme