Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/137

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avait réellement des entretiens avec Dieu sur la montagne, me paraît quelque chose d’aussi saugrenu et d’aussi faux qu’un bourgeois du dix-septième siècle imitant le délire de Pindare. Cela me fâche un peu que, ayant vécu dans le siècle qui a le mieux compris l’histoire, ce poète n’en ait vu que le décor et le bric-à-brac, et que les Papes et les rois lui apparaissent tous comme des porcs ou comme des tigres. Il a des enthousiasmes et des mépris qui m’offensent également. Un homme pour qui Robespierre, Saint-Just et même Hébert et Marat sont des géants, pour qui Bossuet et de Maistre sont des monstres odieux, et pour qui Nisard et Mérimée sont des imbéciles… ; cet homme-là peut avoir du génie : soyez sûrs qu’il n’a que ça. Son inintelligence des âmes, de la vie humaine et de ses complexités est incroyable. Ses énumérations des grands hommes, des mages, des porte-flambeaux, sont de merveilleux coq-à-l’âne, des chefs-d’œuvre de bouffonnerie inconsciente. C’est Homais à Pathmos… De vieux bergers à barbes de fleuves qui conversent avec Dieu ; des rois qui sont des brigands ; des brigands qui sont des héros ; des courtisanes qui sont des saintes ; des prêtres affreux : des petits enfants qui savent le grand secret et des gotons qui l’expliquent couramment rien qu’en montrant leurs jambes ; l’humanité mise en antithèses, pareille à un immense guignol apocalyptique ; l’histoire, coupée en deux, net, par la Révolution ; l’ombre avant, la lumière