Aller au contenu

Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/236

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

moins, dans les reproches amers ou tendres adressés par nombre de bonnes gens à M. Alphonse Daudet que dans les colères de celui-ci contre l’institution des Quarante. Je me hâte d’ajouter que j’ai la modestie de ne point partager les sentiments de M. Daudet. Car, pour les partager, il serait bon d’être aussi fort, aussi austère et aussi évidemment désintéressé que lui. (C’est ce qu’ont oublié quelques chroniqueurs farouches, de ceux qui vont criant : « Ne coupez pas les ailes au génie », comme s’ils étaient personnellement menacés.) Mais je reconnais à M. Daudet (et c’est singulier d’avoir à dire une chose si simple) le droit d’éprouver ces sentiments ; je le lui reconnais avec entrain, et je suis enchanté qu’il les ait éprouvés, puisqu’il en a fait ce livre, et qu’il a su répondre si crânement, à travers deux siècles et demi, aux Sentiments de l’Académie sur le Cid par les Sentiments de Tartarin sur l’Académie.

Tartarin, c’est ici Védrine, le bon, le fier, le génial Védrine. Et c’est maintenant que commencent mes objections, à moi. Védrine ne me plaît pas énormément. C’est lui qui éreinte tout le temps l’Académie et qui tire la morale de l’histoire. J’aimerais que l’éreintement se fit uniquement par le récit et les tableaux, et que la morale s’en dégageât d’elle-même. Le livre y gagnerait, à mon sens ; et les malveillants auraient moins beau jeu à l’accuser de puérilité et d’injustice. Déjà M. Émile Zola, dans l’Oeuvre, nous avait montré un romancier qui était, à n’en pas dou-