Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/322

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vain mot. Car voyez, goûtez, comparez : les anciens hommes n’ont rien eu qui ressemblât à l’esprit des Gaietés de l’année. Ils ont eu leur comique (qui nous échappe la plupart du temps) : ils n’ont pas eu la « blague ». Il peut m’arriver, en lisant les vers ou la prose d’un Grec ou d’un Latin, d’être ému d’autant de tendresse ou d’admiration que lorsque je lis mes plus aimés contemporains ; mais jamais, au grand jamais, d’éclater de rire. MM. Henri Rochefort, Émile Bergerat, Alphonse Allais, Étienne Grosclaude n’ont point d’analogues dans l’antiquité, et j’ose dire qu’ils n’ont, dans les temps modernes, que de vagues précurseurs : Swift, si vous voulez, et un peu Rabelais pour l’ironie méthodique du fond ; Cyrano et les grotesques du XVIIe siècle pour le comique du vocabulaire… Encore est-ce une concession que je vous fais.

Et maintenant, abordons ces Gaietés avec tout le sérieux qui convient.

La bouffonnerie d’Étienne Grosclaude, telle que cet esprit éminent l’entend et la pratique, est, d’abord, d’une irrévérence universelle. Elle implique une philosophie simple et grande, qui est le nihilisme absolu.

Elle ne respecte ni la vertu, ni la douleur, ni l’amour, ni la mort. Elle badine volontiers sur les assassinats, se joue autour de la guillotine ; et les plus effroyables manifestations du mal physique, les pires cruautés de la nature mauvaise, incendies,