Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/71

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l’Angleterre et de l’esprit anglais. Car son patriotisme et sa foi ne font qu’un, et souvent sa foi a fait son patriotisme singulièrement clairvoyant : contre la Prusse, contre l’Italie. Enfin, ce fut un idéaliste exquis. Nul n’a mieux compris ni exprimé que c’est par l’âme que nous sommes grands et que « c’est de là que nous nous relevons ». (Pascal.) Nul n’a embelli de plus de dignité intime les soumissions volontaires aux indispensables hiérarchies extérieures qu’il croyait établies ou consenties par Dieu pour le bien du monde. Sans illusion ni sur les représentants ni sur le fondement humain de l’aristocratie, aussi impitoyable aux « mauvais nobles » qu’aux « mauvais prêtres », c’est lui qui, à propos d’un domaine dépecé par un gentilhomme de boulevard et de cabinets de nuit, écrit ces lignes, où se révèle délicieusement la qualité de son âme :

Je ne peux prendre mon parti de ces décadences de la noblesse. C’était une institution si belle, le pauvre petit peuple en avait si grand besoin ! Il me semble que ce grand seigneur qui a vendu à la bande noire sa terre, son château, ses papiers de famille, m’a trahi personnellement.

Je sens en moi une singulière pente, singulière du moins en ce temps. J’ai l’esprit de roture comme je voudrais que les gentilshommes eussent l’esprit de noblesse. Si je pouvais rétablir la noblesse, je le ferais tout de suite et je ne m’en mettrais pas. Je voudrais travailler pour mon compte à rétablir la roture.

En vérité, j’ai joué un rôle de dupe, si je n’y regarde qu’avec l’œil de la raison humaine. J’ai défendu le capital