Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/89

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qu’à faire volontiers la leçon aux autres là-dessus, — mais d’un purisme large et dont les informations remontent au moins jusqu’au XVIe siècle. Il est aussi préoccupé, et presque à l’excès, de l’harmonie du style, très rigoureux sur ce point, sévère aux cacophonies (cf. Odeurs de Paris, page 213). Sa prose est impeccablement musicale ; et, quand il sortait de la polémique et écrivait pour son plaisir, il aimait à cadencer sa pensée en des sortes de strophes attentivement rythmées (Çà et là, deuxième volume ; le Parfum de Rome). Au reste, une souplesse incroyable, une extrême diversité de ton et d’accent, — depuis la manière concise, à petites phrases courtes et savoureuses, et depuis la façon liée, serrée, pressante du style démonstratif, jusqu’au style largement périodique de l’éloquence épandue, et jusqu’à la grâce inventée et non analysable de l’expression proprement poétique…

Bref, il me semble avoir toute la gamme, et la grâce et la force ensemble, et toujours, toujours le mouvement, et toujours aussi la belle transparence, la clarté lumineuse et sereine. Je note seulement, dans la prose de ses dernières années, quelque abus de l’antithèse et des facettes, du parallélisme verbal et même des allitérations, et aussi un peu de trépidation et de halètement, un je ne sais quoi par où il rejoint Michelet… Somme toute, je n’hésite pas un moment à le compter dans la demi-douzaine des très grands prosateurs de ce siècle.