Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/112

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tout le théâtre dans l’Orestie, et tout le roman dans l’Odyssée. Ils disent à chaque invention prétendue :

« À quoi bon ? nous avions cela. » Les snobs, plus crédules, se trouvent parfois être plus clairvoyants, sans bien savoir pourquoi. Presque tous les snobismes que je vous ai énumérés furent les auxiliaires agités et ahuris d’entreprises finalement intéressantes. Une histoire du snobisme se rencontrerait sur bien des points avec l’histoire des évolutions de la littérature et de l’art.

Il y a plus. J’ai dit que ce qui distingue les snobs des autres esprits soumis et dépourvus d’originalité, c’est qu’ils ont la docilité vaniteuse et bruyante. Hélas ! cela les en distingue-t-il en effet ? On peut mettre de la vanité et de la suffisance, même dans la soumission au passé, même dans le culte de la tradition, même dans la routine. On est tout aussi fier de défendre l’immobilité que de pousser au progrès, et l’on s’en fait pareillement accroire dans l’un et dans l’autre cas. En somme, tradition ou progrès, l’une ne s’établit et l’autre ne se détermine que par la docilité et la crédulité des esprits subalternes, et par la suggestion qu’exercent sur eux quelques esprits supérieurs autour desquels se rangent, en deux camps, les snobs de la nouveauté et les snobs de l’habitude, diversement, mais également dociles, et satisfaits de l’être.

Cela est fort bon. On s’en aperçoit quand on essaie d’être sincère avec soi-même et de juger vraiment