Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/236

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

De quoi vous parlerai-je donc, mes chers compatriotes, si ce n’est de votre pays, si ce n’est de vous-mêmes ? Chaque province de France a sa marque, son caractère. Votre marque, à vous, n’est pas une des moins distinguées. On sait partout ce qu’il faut entendre par l’esprit des guêpins. C’est un esprit fait de raillerie, et aussi de bon sens et de modération ; fin, tempéré, harmonieux, comme les lignes et les teintes de vos paysages. Or, puisque c’est ainsi qu’on vous définit, je vous dirai : — Tâchez de ressembler à votre définition.

Oui, je sais bien, être modéré, cela ne paraît très reluisant au premier abord. Et il est vrai qu’il y a des gens chez qui la modération des idées se confond avec le désir de conserver leur bien et l’attachement aveugle à un état social qui sert leurs intérêts. Mais celle que je vous recommande est tout autre chose : elle est formée d’un sens très-vif du réel, qui n’est pas simple, et du possible, qui est limité, et de l’habitude de considérer les aspects divers et contraires des questions ; elle est le produit naturel de l’esprit critique. Et elle n’exclut pas la générosité, le sacrifice de soi ; car le bon sens même et l’expérience enseignent que nous sommes tous solidaires et que l’égoïsme est, en fin de compte, une plus grande duperie que le dévouement.

Cette modération-là est en train de devenir, par ce temps de modes outrancières, de cabotinage et de snobisme — en littérature, en art et, dit-on, en