Page:Lemaître - Les Rois, 1893, éd2.djvu/42

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qui l’avait fait naître pour le trône, et, non seulement dans ses façons d’être et ses jugements habituels, mais jusque dans le fond de son âme--de même qu’un chrétien le « vieil homme »--il dépouillait le prince…

Le séjour de Paris achevait ce travail intérieur. Hermann vivait à Paris, pendant quelques mois, dans un réel incognito, estimant que c’est le seul moyen, pour un prince, d’avoir une vision exacte des choses. Un prince ne peut vivre, comme prince, que dans un monde extrêmement restreint ; il ne se trouve de plain-pied qu’avec un tout petit nombre d’hommes : il ne peut donc connaître les hommes qu’imparfaitement. Il ne les voit que sous un angle très particulier et très étroit et dans une attitude de respect et de défiance. Presque partout, il gêne ou il est gêné. Il vit et meurt isolé de l’immense humanité. Il ne voit guère de la grande comédie que des fragments préparés. Sa présence suffit à altérer le caractère des spectacles auxquels il assiste, et les choses ne sont pas sincères pour lui.

Hermann avait voulu secouer le surcroît de servitude qui s’ajoute, pour les princes, aux servitudes qui pèsent toujours sur les jugements humains. Il s’était arrangé pour vivre à Paris