seulement, en réalité, d’une complicité sentimentale et qui s’arrêtait fort en deçà du consentement à la « propagande par le fait »--était envoyé en Sibérie. Ce grand-père, Frida avait souvent entendu sa mère parler de lui, avec un respect mêlé d’inquiétude et de blâme, comme d’un homme excellent, mais occupé de choses secrètes et dangereuses, comme d’un « rêveur ». Un « rêveur », elle ne savait pas bien ce que cela voulait dire, mais elle devinait que cela devait signifier quelque chose de distingué et de généreux. Deux ou trois fois, le prince Kariskine était venu à Thalberg… Frida l’avait aimé à cause de sa belle barbe blanche et des histoires qu’il contait. Une fois, il avait emmené Frida et Annouchka faire avec lui une longue promenade. Et, comme Annouchka baisait à chaque instant les mains de sa jolie maîtresse, qui se laissait faire indolemment, habituée à cette adoration, le grand-père avait dit :
— Pourquoi n’embrasses-tu pas ton amie ?
Et Frida avait embrassé Annouchka, en s’efforçant un peu.
En même temps que le prince Kariskine était condamné, la ruine du comte de Thalberg se consommait : on vendait les restes du domaine.