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EPITAPHE EN MANIERE DE DIALOGUE.

Que secours preste et aide a ses amys.
Dieu en bon cueur ses pensees a mys[1].

Et de rechief la premiere fleur gente
Tres diligente au temps passé revoit,
La seconde le temps present regente,
L’autre fulgente au futur temps pourvoit
Et le prevoit : ainsi doncques on voit
Que s’on avoit ces pensees ensemble
Impossible est d’avoir mal, ce me semble.

Car d’elles trois on peut faire ung blason
Qu’onques Jason n’en eut point de tel sorte
Quant il ala conquerre la toison.
Ains par raison est d’estoffe plus forte
Pallas l’assorte et Prudence le porte
Tout s’y comporte en vray mistere pur :
Le champ est d’or, les pensées d’azur.

Par l’or s’entent vertu resplendissant
L’azur plaisant, le hault ciel notiffie
Nombre de trois est tousiours florissant
L’escu luisant noble cueur signifie.
Qui se ralie à vertu tresiolie.
Et s’humilie envers dieu trine et ung.
Tendant au ciel faisant droit a chacun.

Flora produit maintes fleurs mignonnettes
Com jennettes[2] soucie et marguerite
Mais dieu créa ces trois pensees nettes

  1. C’est Foi, Espérance et Charité. Au bas du folio du manuscrit, un écusson portant sur fond d’or trois petites fleurs bleues, trois pensées, avec cette devise : penser, penser, penser, dire. Ne croirait-on pas retrouver l’idée de Boileau :
    Avant donc que d’écrire, apprenez à penser ?
  2. Genette, un des noms vulgaires du narcisse.