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ARMAND SILVESTRE.


C’est toi l’impérissable en ta splendeur altière,
Moule auguste où l’empreinte ennoblit la matière,
Où le marbre fait chair se façonne au baiser.

Car un dieu, t’arrachant à la chaîne fragile
Des formes que la Mort ne cesse de briser,
A pétri, dans tes flancs, la gloire de l’argile.

(Rimes neuves et vieilles)







STANCES

SUR LES MAUX DE LA PATRIE




Lorsque, chassé des cieux de ta gloire meurtrie,
Les deux mains sur le front, j’en descends les degrés,
Je n’ai plus d’autres deuils que les tiens, ô Patrie !
Et mes yeux n’ont de pleurs que pour tes maux sacrés.

Tu fus l’astre vivant dont la chaleur féconde,
L’œil du ciel grand ouvert sur les conseils humains ;
Un soleil emplissait ta paupière profonde
Et mesurait aux jours l’espoir des lendemains.

Tu fus l’arbre grandi sous l’aurore première,
Le vieux cep où mûrit l’antique Liberté ;
Et tu fis de tes seins, tendus vers la lumière,
La coupe immense où vint boire l’humanité !

Tu fus le sang vermeil qui roula, sous la terre,
L’héroïque ferment des saintes passions,
Et, soulevant les monts, ouvris, comme un cratère,
La formidable fleur des révolutions !