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Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t4, 1888.djvu/214

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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Mie aux cheveux si blonds que c’est de la lumière,
ma rousse volupté, Reine au casque d’or fin,
si tu fuis, de ma vie, oh ! ce sera la fin !
Mon désir, loin de toi, la nuit, sous la lune, erre

ainsi qu’un insensé. Blonde, par qui je veux
mourir de pâmoison, ma bouche en tes cheveux,
sans doute la brune est une blonde ratée.

Que mon amour leur semble à la lune pareil,
pour vos charmes divins, mais noirs, je suis athée,
corps bruns, avant l’hymen, baisés par le Soleil !





L’HEURE GRISE




Le soir qui monte fait la nature indistincte ;
le bourg et son clocher, le torrent caillouteux
s’étendent adoucis en des contours douteux.
Le paysage a pris une incertaine teinte.

Dans les bouleaux le Vent murmure la complainte
de la mort du soleil en souffles ténébreux.
L’air, veuf de la clarté, geint comme un amoureux ;
au vent se joint le pleur d’une cloche qui tinte.

C’est la fin d’un beau jour dans la belle saison.
Tombé, le soleil traîne encore à l’horizon
de grands lambeaux pourprés qui soudain s’interrompent.

L’étoile du berger scintille, et, dans l’air chaud,
parmi les vagues bruits des terres qui s’estompent,
on entend, au lointain, le cri doux d’un crapaud.