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VICTOR BILLAUD.


La Mort a fauché la fleur de mon rêve,
La fleur de mon rêve éclose en ton sein :
Tout autour bruit en funèbre essaim
Le vol des douleurs tournoyant sans trêve.

Il nous vient parfois un espoir tremblant,
Mais nos pleurs sont vains, notre angoisse est vaine ;
Et mon esprit va, comme une âme en peine,
De ta robe noire à son berceau blanc.

Ah ! vois-tu, la vie est cruelle et sombre ;
Tout ce qui sourit recouvre un écueil.
Vous clouez un jour un petit cercueil :
C’est votre jeunesse à jamais qui sombre !

Vieillis avant l’âge, on sent tressaillir
Et s’éteindre en soi toutes les chimères,
Et l’on croit que Dieu fit les yeux des mères
En pensant aux pleurs qu’ils verront jaillir.

Étant notre fils avant d’être un ange,
Notre André là-haut tend les bras vers nous ;
Et je songe au temps où sur tes genoux
Ses pieds s’agitaient dans son petit lange.

J’écrirai pour lui — ce sera son lot,
À moins que le sort inclément nous leurre —
Un livre bien doux qui chante et qui pleure,
Qui soit un sourire autant qu’un sanglot.

Ses yeux et l’azur mêleront leurs ondes
Pour y scintiller d’un éclat pareil,
Et j’évoquerai sous l’or du soleil
Ses petits cheveux et leurs boucles blondes.