Page:Lemonnier - Gros, Laurens.djvu/75

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doute de consoler David, en lui faisant croire qu’il n’y avait rien après lui ni en dehors de lui : « Je ne vous parle pas du Salon (de 1822) ; le père de l’École (David) n’est pas là et les impertinences ou le vagabondage de la peinture sont à leur comble. » Ces exagérations des deux parts étaient en grande partie un effet de l’éloignement. David, en véritable artiste qu’il était, avait été frappé des tableaux flamands qu’il avait vus à Bruxelles. Il écrivait à Gros en 1817 : « Ne me suis-je pas avisé de viser à la couleur, et moi aussi je veux m’en mêler, mais c’est trop tard en vérité. » Il peignait les portraits des « Dames de Gand », admirables de réalisme et de franchise. S’il fût resté en France, la connaissance directe des œuvres, le contact avec les hommes et les choses eût peut-être amorti son intransigeance de théoricien. Mais il ne savait rien que par ouï-dire, par des lettres de correspondants, entêtés dans le formalisme académique.

Gros n’avait donc pas de contrepoids. Lorsque Girodet mourut, en décembre 1824, on lui fit des funérailles solennelles, car les classiques considéraient qu’avec lui, David étant absent, disparaissait le plus illustre et le plus énergique représentant de l’idéalisme. Gros assistait aux obsèques et, appelé à parler sur la tombe, il éclata en larmes, « prédit la décadence prochaine de la peinture et de la statuaire, si les élèves de ces deux arts ne choisissaient pas toujours pour modèles, au milieu des torrents de peinture qui inondent le Salon, les œuvres de David et de Girodet ». Puis, en terminant son discours, il tomba