Page:Lemonnier - L'Hallali, sd.pdf/163

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
l’hallali

troussés, ses livides gencives à nu, eut l’air terrible des vieilles carnes crevées sur les champs de bataille. Mais voilà que petit à petit, dans l’ombre rougeâtre, il se remettait à vivre d’un remous confus. Le baron reconnut l’assaut des rats qui, rués par bandes des alentours, arrivaient à l’odeur de la mort.

Ce fut une lutte : armé de la fourche, il les piquait à la volée qui expiraient avec de petits cris aigus ; mais les autres toujours revenant à l’attaque, il se porta vers le seuil et se mit à appeler Jumasse.

Le valet, qui non loin guettait, accourut.

— Hé ! toi, dit le baron, viens çà, l’ami. Mieux vaut qu’il soit mangé des vers que dépecé par cette engeance immonde. Appelle mon paysan de fils pour qu’ensemble vous creusiez la fosse ; et du même coup apporte-moi les cordes qui m’aideront à le tirer jusque-là.

Jumasse hucha après Jean-Norbert. On convint de tirer le cheval jusqu’à l’ancienne fosse à purin de la ferme. Monsieur lui-même lui passa aux quatre fers le nœud d’une corde entrelacée de paille et, courbé par l’effort, il tira Bayard après lui. Le corps détendu et mou vint d’une fois, laissant la tête en arrière au bout de la maigreur longue du col. Jumasse allait devant, portant des bottes de paille. Jean-Norbert