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Page:Lemonnier - Les Charniers, 1881.djvu/161

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fourgon qu’on refermait ensuite et qui se remettait à rouler.

Sur le pas d’une porte des commères échevelées et vieilles, le cabas à la main pour aller aux provisions, s’assemblaient et chuchotaient. Un domestique mettait à la rue les chiens de la maison, et à côté, une rieuse fille à bras nus lui montrait ses gencives en frottant avec de l’argile le cuivre de la sonnette. Des soldats bavarois, accoudés au comptoir d’un pâtissier, se bourraient de gâteaux sortis du four.

Un bruit de musique retentit tout à coup au bout de la rue : c’était un régiment bavarois qui défilait. L’idéal de la discipline consistant dans la transformation de l’homme en automate marchant, tournant, s’arrêtant, se mouchant et éternuant au commandement, je déclare que je n’ai rien rêvé de plus discipliné que les troupes allemandes. Tous à la fois, du même pied, tête droite, œil fixe, comme ces soldats de bois que les enfants font manœuvrer sur des tringles, les voilà partis, le corps raide, le pas cadencé, pas une fibre ne vibrant sur la face ; et ils iront ainsi tant qu’on leur dira d’aller, en promenade ou