Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/112

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épanoui sur la lumière haute du dehors, eut alors, avec ses épaisseurs moëlleuses, l’air d’un énorme lit préparé pour le sommeil.

Les écuelles avaient été posées sur la table de la cuisine, à côté des fourchettes et des cuillers en fer. Une odeur de soupe à la graisse de porc traînait dans la maison. C’était l’heure du repas.

Il se fit sur les dalles bleues un bruit de semelles traînant et de sabots claquant, qui se dirigea vers la grande table creusée par les écurements. Les domestiques et les filles rentraient de la campagne. L’un à côté de l’autre, ils se placèrent sur les escabeaux en bois disposés le long de la table, et se mirent à manger Un large appétit donnait de l’activité aux fourchettes, qui cliquetaient incessamment contre le fond des assiettes. Et par moments, des lampées gloussaient dans les gosiers, tandis que les têtes se renversaient, les yeux demi-clos, avec béatitude. Le cuir des peaux, gercé, avec des roséoles aux pommettes, luisait, ayant gardé le feu du soleil. Des poitrines d’hommes, velues et nues sous la chemise entr’ouverte, s’échappait une sueur fauve ; et l’on voyait sous les chaises les jambes rouges des femmes, pareilles à de la viande fraîchement tuée. Le reflet vert des arbres entrait par les fenêtres ouvertes, s’allongeait sur les murs blanchis à la chaux. Et tout ce monde faisait entendre un grand bruit de mâchoires se détendant dans cette repue. Puis, le broiement parut languir, une somnolence engourdit la tablée, et les mangeurs, l’un après l’autre, gagnèrent à pas lourds l’ombre des haies et des greniers pour y dormir.

Germaine était une rude travailleuse. Ordinairement, le repas achevé, elle aidait une des filles à laver la vaisselle, et les assiettes rentraient au bahut, luisantes et blanches, bien avant le réveil des domestiques. Mais, ce