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Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/132

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ferme. Deux placards en étaient encombrés, et le reste s’étalait par tas, sur des planches clouées contre le mur. Un amas de raccommodages emplissait la table. Sur une chaise posaient le carreau de travail, les étuis et les bobines de fil.

Elle demeurait là, les mains inoccupées, songeant à cette curiosité satisfaite, au bonheur, au silence du taillis.

Par moments, des chaleurs l’étouffaient. Elle se levait, comme suffoquée, prenait l’ouvrage et le laissait retomber. Un instant, elle pensa à fuir la ferme ; ils iraient ensemble n’importe où, devant eux ; rien ne les empêcherait plus d’être comme mari et femme. Ce n’était qu’une idée, qui se mêlait à toutes les autres, dans cette déroute de sa conscience. Et petit à petit alourdie, elle pencha sa tête sur sa gorge et s’endormit.

Une voix qui l’appelait la réveilla en sursaut. De l’autre côté de la fenêtre, le fermier Hulotte se tenait debout devant elle, dans la cour. Il avait poussé du poing la fenêtre mal close, et la regardait dormir, narquoisement, avec bonté.

— Paraît, Germaine, que t’as la kermesse dans les doigts ! dit-il.

Un saisissement la prit ; elle devint blanche. Et les sourcils tendus comme à l’aspect d’une chose extraordinaire, elle demeurait immobile, sans trouver une parole. Qu’est-ce qu’il avait dit ? Elle ne savait pas. Un mot seul lui était demeuré : il avait parlé de la kermesse.

— Bah ! fit Hulotte, ce que j’en dis c’est pour rire. On n’a pas toujours le cœur à la besogne.

Elle fit un effort, lui répondit une chose vague. Et il la laissa pour courir après le poulain, qui se gorgeait de paille dans la grange. Elle le suivit des yeux un peu rassérénée : il avait ri ; il ne savait rien. Elle se trouva