Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/320

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opposée, tout cuirassé de lentilles vertes, avec des guirlandes de cresson dans les cornes.

Albert s’inclina et rendit le foulard à Mlle d’Évran, qui lui serra vivement la main. Elle était devenue toute pâle. Etait-ce du danger couru par elle ? était-ce par crainte pour lui-même ? Il n’eut pas la vanité d’y songer.

Mlle d’Évran fut absente deux jours pour une excursion au mont Saint-Michel qu’elle fit seule avec M. Grandperrin. Pour Albert, ces deux jours furent éternels. Il comprit pour la première fois toute la profondeur de son amour. Le monde lui semblait vide. Bien qu’elle fût à quelques lieues seulement, et dût promptement revenir, il eut au cœur une impression de froide solitude comme si elle s’en était allée loin, très loin, de l’autre côté de la grande mer, et qu’il ne dût jamais la revoir. Et durant les deux nuits il entendit sonner toutes les heures à l’église du bourg. La seconde journée, errant comme une âme en peine, il vint et revint plusieurs fois chez Germaine, ne pouvant y revoir Alise, mais espérant du moins retrouver là quelque chose d’elle, et avoir la consolation d’en parler.

Avec Germaine il eut de longs entretiens ; il finit par lui dire :

— Germaine, pourquoi Mlle d’Évran ne s’est-elle pas encore mariée ?