Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/52

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les devants à titre de cicerone en marchant assez vite, et bientôt les deux promeneurs virent miroiter la petite rivière, déroulée comme un ruban d’azur au fond de sa vallée.

Le temps était superbe. Dans le ciel calme, d’un bleu pâle, quelques nuées diaphanes traînaient nonchalamment comme des écharpes blanches. Le printemps n’était pas très avancé, les ormes et les chênes n’avaient pas encore de feuilles, mais par milliers les bourgeons pétillaient au bout des branches, et les petits saules de la rivière, tout frais habillés de vert tendre, se contemplaient en compagnie des larges fleurs d’or des populages, des aigrettes neigeuses du trèfle d’eau et des élégantes cardamines rosées. Les églantiers n’avaient pas encore fleuri, mais déjà les pommiers, les aubépines, les violettes avaient donné leurs notes suaves dans le concert des parfums printaniers. Et les oiseaux chantaient. Le merle redisait tout en joie sa ritournelle aux sons flûtés ; la grive répétait sa phrase accentuée au timbre guttural ; de fort loin, à la cime des hauts arbres, les ramiers, roucoulant à voix sourde et profonde, versaient au cœur de graves pensées d’amour ; et par intervalles, au vent frais de la côte, la mer, qui brisait à une demi-lieue, et qu’on entendait sans la voir, dominait tous ces bruits sans les éteindre, et jetait, comme un orgue de fête, sa