Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/64

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larmes et couvert de baisers la petite dentelle noire de son cou. »

Puis, réfléchissant :

« Après tout, pensait-il, suis-je en droit de lui jeter mon blâme ? Peut-être ne lui a-t-il rien dit et ne s’est-il pas départi de la réserve absolue que lui commandaient notre ancienne amitié, les plus simples devoirs d’un hôte et ses protestations de gratitude. Il n’est coupable d’aucun aveu, sans doute, mais la voix, le geste, le regard ont parlé… Elle a dû le comprendre à ne pas s’y tromper. Hier, dans la soirée, au seul récit de ses voyages, comme elle écoutait, et comme elle le regardait ! Jamais elle ne m’avait paru si belle, tous deux se transfiguraient dans le rayonnement l’un de l’autre, et quand elle a chanté son duo d’amour, jamais tant d’âme n’a vibré dans sa voix ! D’ailleurs, n’est-ce pas lui qui l’a sauvée ? Est-il étrange qu’elle en ait gardé souvenir ? Et moi, qu’ai-je donc fait pour elle ? un sacrifice de portefeuille, quelques chiffons de bank-notes pour tranquilliser son père dans une heure de crise ? Voilà tout.

« Georges est un grand artiste, qui porte un nom justement célèbre, et moi ? qui suis-je ? Sans faire partie du vulgaire troupeau des hommes, puis-je me compter parmi ces êtres supérieurs qui naissent avec une lumière en eux pour éclairer les foules ? Puis-je entrer en lutte ?