Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/72

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fièvre, et il eut grand’peine à patienter jusqu’à l’heure habituelle où Marie descendait au jardin.

Elle n’avait pas dormi non plus, et, pour elle surtout, cette nuit fut terrible. Pour échapper aux tourments de son insomnie, elle essaya de lire, mais nos plus grands écrivains, prosateurs et poètes, étaient fades près du roman de son cœur. Elle jeta un rapide coup d’œil sur sa vie… que devait clore bientôt l’union projetée avec Henri de Morsalines. Ce mariage, qui lui avait presque souri le mois précédent, lui semblait aujourd’hui sérieux comme une prise de voile ; mais elle était résolue au grand sacrifice, se regardant comme engagée par sa promesse antérieure et comme indissolublement liée au grave gentilhomme qui avait si courtoisement aspiré à l’honneur de cette union. Le jour de sa demande, elle avait, sans arrière-pensée, mis franchement sa main dans la sienne, et, ce jour-là, très certainement, sa petite main n’avait pas menti.

Elle descendit à dix heures, comme d’habitude. A sa vue, le comte, pour la première fois, fut troublé comme un enfant ; il lui sembla que toute son énergie s’en allait. Il était planté, tout songeur, derrière une grosse touffe de lilas, confus d’abord et presque hésitant. Elle ne l’avait pas encore aperçu.