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la triomphatrice

Flahaut.

Claude, est-il possible ? Quand votre carrière est si belle, votre succès si pur… quand je vous croyais toute à la satisfaction des dernières victoires. Hier, le prix Nobel… Demain, la critique dramatique de notre plus grand quotidien.

Claude, dans ses larmes.

Il l’avait demandé…

Flahaut.

Il n’était nullement indiqué pour cela.

Claude.

Mais il va me haïr, et il aura raison ! On ne trouve pas ainsi toujours sur son chemin la femme qui prétend vouloir votre bonheur… Je suis au supplice, cette vie est un enfer… et depuis que je ne demande plus rien, ils sont là qui s’acharnent. Est-ce que l’on ne me parlait pas l’autre jour d’une promotion. (Elle indique sa rosette.) Il y avait une cravate à donner… ah ! la folie, ah ! le ridicule… Flahaut, Sorrèze n’est pas médiocre, nul autre, à sa place, n’aurait eu sa patience, mais c’est trop, c’est trop… que voulez-vous qu’il devienne ? Je suis le rival exaspérant, irrémissible. Il change, et il le faut bien…

Flahaut, banal.

Vous exagérez vos scrupules.

Claude.

Non, et c’est affreux. Il change affreusement. Au début, c’est lui qui exagérait. Il avait un respect si chevaleresque venant d’un homme, d’un amant. Il me gâtait, il se moquait de lui, il disait que les maris maintenant devraient apprendre un autre métier, le plus difficile de tous, celui du prince Albert, celui de prince-époux. Sorrèze a été admirable. Flahaut, il m’a aidée… il a été d’une patience inlassable, préoccupé de mes manuscrits comme des siens… Il m’a fait des courses et des démarches, il a été le vrai mari de ma carrière… Mais il était sûr de moi… il savait