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POÈMES ÉPARS

« Pourtant je te l’apporte : à mon heure dernière,
« C’est le seul don que je puisse t’offrir !
« Je te la donne, à toi, mais fais que sa paupière
« Ne m’aperçoive point mourir !
« Quand de sa pesante massue
« Athaenzic aura broyé mes os,
« Pour te fertiliser j’ébranlerai ma nue,
« Qui te fera tomber ses eaux !
« Si tu vois l’orignal au pied toujours rapide
« Près de ton feuillage bondir,
« Dis, pour le consoler, qu’il marche moins timide,
« Parce que tu m’as vu mourir !
« Chêne de la grande colline,
« Arbre chéri de mes aïeux,
« Écoute ! qu’à ma voix ton oreille s’incline
« Je suis venu te faire mes adieux ! »
On dit qu’ayant chanté d’une voix bien sonore,
Le vieillard s’arrêta pour essuyer ses yeux,
Que ses larmes coulaient comme il en coule encore
Quand on perd un bonheur qui n’a pu rendre heureux !
On dit même qu’après, sur la grande montagne,
L’ombre du vieux guerrier parut souvent,
Qu’on entendit gémir, la nuit, au bruit du vent,
Comme une voix de mort qu’une lyre accompagne !