Page:Lenoir-Rolland - Poèmes épars, 1916.djvu/46

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
48
POÈMES ÉPARS

Laisserez-vous grandir ce dangereux ulcère,
Sans porter le remède où se tord le viscère,
Sans ôter son prétexte à la mendicité !
La détresse du pauvre émeut le philanthrope :
Utilisez son corps ! on l’a fait en Europe !
Le servage du pauvre est son droit de cité !

Il est temps, ou jamais, de donner votre obole,
Si vous voulez en paix faire le monopole
De ces choses qu’ignore un peuple d’indigents !
Enlevez du bourbier une race flétrie !
Jetez la goutte d’eau dans son gosier qui crie !
Pour ses vices sans nom montrez-vous indulgents !

Qui sait si, quelque jour, devenant téméraires,
Ils ne vous diront pas : « Partagez, ô nos frères,
« Sans vous faire prier, l’héritage commun !
« Votre possession n’est pas un privilège !
« Le garder à vous seuls deviendrait sacrilège ;
« La justice est pour nous : nous sommes cent contre un ! »

Ne craignez pas encor cette justice immonde
Qui sur sa faible base ébranle le vieux monde ;
Le paupérisme ici ne vous menace pas !
S’il se fait effronté comme le parasite,
C’est que vous le voulez, c’est que chacun hésite
À le traquer partout où s’imprègnent ses pas !