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MISÈRE

Et puis, vos parias ont les deux mains liées !
Vos femmes, que souvent leur bouche a suppliées,
Vous diront, sans mentir, qu’avec des cris moqueurs
Elles ont éconduit des enfants et leur mère,
Sans qu’un pli douloureux, sans qu’une plainte amère,
Ait sillonné leurs fronts, ou jailli de leurs cœurs !

Condamnés à mourir dans leurs ignominies,
Ils passent sous vos yeux, traînant leurs agonies !
Leur morne désespoir vous trouve indifférents !
Regardez bien pourtant ! toute la plèbe infime
Par les mêmes sentiers n’aborde point l’abîme,
Où l’aveugle malheur précipite ses rangs !

Ils sont là, devant vous ! sous leur mat épiderme
Chaque torture intime a déposé son germe
De misère sans fin, de prostitution !
Jetez-leur un lambeau de cette légitime,
Qui ne serait pas plus à vous qu’à la victime,
Si Dieu vous obligeait à restitution !

Éviter le contact d’une balle nocturne ;
Ne jamais rencontrer le piéton taciturne,
Qui, sous les porches noirs, va mûrir un projet ;
N’être jamais suivi par le gueux qui mendie ;
Ne jamais voir son toit rongé par l’incendie ;
Ajouter des louis aux louis du budget ;