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RELIURE.

qu’ils ont reproduit, sans toutefois les calquer servilement, des dispositions empruntées au moyen âge, qui répondaient fort bien aux exigences de manuscrits précieux ou de feuilles de vélin exposées à être gonflées par l’humidité de l’atmosphère, et la pensée ne leur est pas venue de se demander si les livres de notre époque, imprimés à prix réduit sur du papier plus ou moins solide, mais toujours identique, et appelés non à figurer sur des pupitres ou de riches étagères, mais à rencontrer, sur les rayons d’une bibliothèque, le contact immédiat d’autres livres rangés et pressés les uns contre les autres, se prêtaient à de semblables fantaisies d’ornementation et demandaient le même appareil de ferrures en saillie.

On l’a dit bien souvent, et on ne saurait trop le répéter, chaque forme de reliure a eu sa raison d’être il n’y a qu’à la découvrir. Celui qui est véritablement artiste la trouve sans trop de peine, et il se met ainsi à l’abri de ces erreurs, presque toujours irréparables, qui ne servent qu’à mettre en évidence l’ignorance et le défaut de sens et de jugement de celui qui n’a pas su les éviter.

Avant l’invention de l’imprimerie, quand les livres étaient rares et fort chers, on les traitait comme des espèces de reliques. Aussi rien ne paraissait trop dispendieux pour les conserver. Aujourd’hui, les choses ont changé complètement. La multiplication des livres, leur bon marché relatif, enfin la tendance générale vers l’utile, imposent d’autres conditions. Il faut que le relieur arrive à une production courante qui soit au niveau des fortunes les plus divisées ; il faut qu’il sache donner aux exemplaires qu’on lui confie une forme à la fois simple, élégante et durable ; enfin, il faut que, sans cesser d’être un art, la reliure