Aller au contenu

Page:Lenotre - Babet l’empoisonneuse, ou l’empoisonnée, 1927.djvu/168

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

laisser préparer mon dîner sous mes yeux ; tu m’as dit que tu ne le voulais pas, que M. Asselin dirait ce qu’il voudrait, mais que le bouillon ne serait fait qu’à la cuisine. Je te l’avoue ici, dès cet instant, effrayée des vomissements de sang que j’avais dès que je mangeais ma soupe, je pris le parti de jeter le bouillon que l’on m’envoyait, qui était toujours si mauvais que l’odeur seule me levait le cœur. J’ai donc vécu pendant trois semaines d’eau sucrée ; encore fallait-il aller la nuit la chercher, car, dans le jour, on ne voulait donner à Sophie que de l’eau de puits, malgré que je payais celle de fontaine. De ce moment les vomissements ont cessé et malgré que je n’eusse que de l’eau pour nourriture, je me suis un peu remise… Toi qui m’adorais ! Toi qui préférais la mort que de me quitter ! Eh bien ! Aujourd’hui, tu penses donc différemment ? Jamais je ne pourrai le croire, moi qui ne t’ai connu que malheureux par l’empire que toutes ces créatures exerçaient sur toi ; tu n’avais que moi de véritable amie ; ce n’est pas pour ta fortune que je t’avais épousé puisque tu n’avais que 6.000 francs de rente sur lesquels tu avais donné, huit jours avant notre mariage, 4.000 francs à cette Mellertz. C’est donc toi que j’aimais ; j’ai tout fait et enduré pour que tu sois heureux. Et toi, veux-tu renoncer à toute estime et considération publique, et vivre aux yeux de tout le monde avec trois femmes perdues de réputation ? Ce même monde vous jugera sévèrement ;