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BOISHARDY

teau a été remis en bon état ; une garde d’honneur de deux cents chouans[1], d’une tenue « impeccable », occupe les tentes fournies par la République ; sur toutes flotte le drapeau blanc ; et, non loin d’eux, est cantonné un détachement de dragons républicains, envoyés par Hoche pour servir d’ordonnances[2], maigres, misérables, mal vêtus, mal montés et qui regardent avec envie les beaux soldats de Cormatin. Celui-ci, d’ailleurs, est bon prince ; ne représente-t-il pas ici le Roi de France ? Les pauvres Bleus trouveront toujours table servie et vont se refaire à satiété. Les broches tournent et les ragoûts mijotent sans arrêt dans les cuisines du château ; on y nourrit « près de cinq cents personnes par jour[3], aux dépens de la République ». Un soldat déserteur, enrôlé par les chouans et cantonné à La Prévalaye, écrit à l’un de ses camarades, caporal à la 76e demi-brigade : — « Je ne suis plus taxé à cinq quarts de pain par jour ; le pain blanc comme la neige ne quitte jamais la table, non plus que le porc, le veau, le bœuf, le beurre frais et aussi le bon cidre. Et l’amitié de tout le monde, particulièrement celle des filles. » Tableau enchanteur ! Le soir on danse, on joue, on chante… On chante la Marseillaise, un peu modifiée pour plaire à l’assistance :


Aux armes, citoyens ! Formez vos bataillons !
   Marchons ! Marchons !…
  Va-t’en voir s’ils viennent, Jean,
  Va-t’en voir s’ils viennent.


  1. C’est le chiffre donné par d’Andigné, I, p. 143. On a vu que Dufour dit : huit cents.
  2. D’Andigné, p. 143.
  3. Idem.